30 mars: précision et point sur les actes à domicile

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Beaucoup de MK s’interrogent face à la difficulté réelle de choisir de poursuivre ou arrêter les soins à domicile. Voici de nouveau quelques pistes pour vous aider dans ce choix.

Le 17 puis le 24 mars, le confinement a été mis en place puis renforcé. Les cabinets ont donc fermé, avec pour objectif d’entraver la propagation du virus en réduisant les contacts kiné-patient et patient-public et en limitant les allers et venues de la population.

Les soins ont été alors préconisés à domicile, d’abord pour les patients vulnérables et afin d’éviter une dégradation de leur état et une hospitalisation.

Depuis le mardi 24 (suite du renforcement des mesures de confinement), la notion de choix des patients chez lesquels assurer le soin à domicile a évolué : seules les situations d’urgence au sens strict (risque vital ou hospitalisation imminente à éviter) doivent être assurées par les kinésithérapeutes. L’idée générale est de participer à la disponibilité des hôpitaux, en évitant les hospitalisation ou ré-hospitalisations, et en aidant à la sortie anticipée des hôpitaux, sans faire courir de risque au patient.

Aujourd’hui le choix est devenu difficile, mais doit suivre ces 2 principes simples :

  • chaque kinésithérapeute doit se considérer comme potentiellement infecté, donc les règles barrières s’imposent, et le MK ne doit pas faite courir un risque injustifié à un patient considéré comme vulnérable : il devra mesurer la balance bénéfice/risque à prendre en charge le paient à domicile
  • seuls les soins indispensables et utiles pour lutter contre un risque vital ou une hospitalisation imminente peuvent être dispensés. _Les kinésithérapeutes doivent se concentrer sur le maintien à domicile de leurs patients les plus vulnérables qui, si les soins de kinésithérapie sont interrompus, présentent un risque très élevé de dégradation majeure pouvant entrainer à court terme une hospitalisation

Ainsi il appartient au seul kinésithérapeute de mesurer, pour un patient donné, dans un environnement donné, et pour une pathologie donnée, si son action est non-risquée pour le patient, et si elle est de nature à éviter une hospitalisation ou ré-hospitalisation à court terme.
L’Ordre vous donne ces principes généraux mais ne pourra jamais « dicter » une conduite spécifique pour un paient spécifique avec une pathologie spécifique, puisque vous seul connaissez le patient, sa pathologie et son environnement. Vous pouvez vous faire aider par le médecin traitant qui lui aussi connait très bien le patient, ses fragilités, sa pathologie et son évolution possible.

L’Ordre vous rappelle également que vous êtes des professionnels responsables de vos actes, et que :

  • en décidant d’aller chez un patient, vous en êtes responsable et vous ne pourrez réfugier derrière une prescription en cas de souci, mais devrez expliquer simplement vos choix (tout comme en situation ordinaire vous êtes en compétence d’expliquer vos choix thérapeutiques)
  • en refusant d’aller chez un patient, vous en êtes responsable, et en cas de souci vous devrez expliquer pourquoi vous avez fait ce choix (patient trop fragile, non pertinence d’acte car non urgent et ne justifiant pas d‘hospitalisation à court terme si non fait)

Voici quelques exemples de cas génériques, pour illustrer, et qui en aucun cas ne peuvent être assimilé à un patient en particulier, ni opposables en cas de problèmes ultérieurs car purement théoriques, et à but démonstratif :

Il semblera évident à tous que le patient BPCO, oxygéno-dépendant devra être pris en charge pour une exacerbation de cette BPCO, pour éviter une hospitalisation, et dans le strict respect des gestes barrières.

Ce même patient, BPCO, sans aucune exacerbation bronchique, donc stable, se verra refuser une prise en charge pour une lombalgie à son domicile. Vous lui donnerez alors des conseils thérapeutiques par téléphone, éventuellement des exercice décrits par téléphone, montrés sur vidéo, Skype ou autre « face-time ». Il est en effet fragile, mais sa pathologie ne justifiera pas une hospitalisation, alors que votre venue risque de déclencher un Covid. La balance bénéfice/risque est défavorable

Les soins d’un patient âgé en grande perte d’autonomie pourront être poursuivis selon son état : une altération de son autonomie peut conduire à une grabatisation rapide et un encombrement respiratoire, des surinfections bronchiques, voire des troubles circulatoires avec risques emboliques etc. Il semble clair que la prise en charge sera poursuivie, dans le strict respect des mesures barrières. Par contre peut-être qu’une diminution du nombre de séances hebdomadaires sera envisagée, car deux passages peuvent être suffisants à la maintenance, au lieu des 3 ou 4 habituels qui visaient l’amélioration. L’ensemble des pathologies associées de ce patient devra être considéré, ainsi que son entourage, son accompagnement, son environnement pour faire le choix.

Mais si ses auxiliaires de vie, venant quotidiennement, ou sa compagne, peuvent l’aider et le stimuler à une auto-mobilisation basique, à la poursuite de la marche, afin simplement d’éviter une aggravation rapide, la poursuite des séances pourra peut-être attendre quelques semaines, la régression possible restant modérée et rattrapable.

Le patient « grand neuro », type tétraplégique, devra lui presque toujours être suivi et accompagné, car au-delà des rétractions possibles, le travail respiratoire préventif est essentiel chez ces patients restrictifs, et où une infection respiratoire nécessite souvent une hospitalisation.

Le post-opératoire immédiat suscite souvent interrogation : vous devrez toujours mesurer la balance bénéfice/risque. Un flexum de genou de 10° sur une PTG mérite-t-il une prise de risque (rappelez-vous : vous êtes potentiellement infecté) ? Un déficit de flexion (50° de flexion à J40…) est-il justifiable de soins à domicile ? Ce patient peut-il seul effectuer des exercices que vous lui montrez lors de deux visites initiales à domicile puis un seul contrôle hebdomadaire, avec suivi par photos ou vidéo (ou pas…).

Là, il n’y a que vous qui pourrez décider, en mesurant cette balance bénéfice/risque : un déficit possible ou probable est-il irréversible ? Pensez-vous pouvoir le rattraper s’il survient ? Dois-je y aller 2 fois puis une fois tous les 15 jours ? Cela ne dépend que du patient, de son âge, de ses capacités et de votre jugement. Il est à peu près certain que cela ne nécessitera pas une ré-hospitalisation, sauf… s’il a 80 ans, risquant une grande baisse d’autonomie, des troubles circulatoires connus, des antécédents de phlébite, une insuffisance respiratoire associés, une certaine pusillanimité, etc.

Vous le comprenez, il y a des principe de base, que l’Ordre rappelle, même si cela peut faire peur, et le reste n’est que cas particulier, que vous devrez apprécier seul, parfois avec l’aide du médecin traitant.

Le devoir de prise en charge ne devrait jamais inciter un kinésithérapeute à agir de façon irréfléchie, ni au détriment des règles de protection et de prévention qui s’appliquent aux professionnels de santé.

Les règles barrière (gants, masque chirurgical voire FFP2, surblouse, lavage savon ou utilisation de SHA) sont toujours de rigueur.

N’hésitez pas à me joindre pour en reparler si vous le jugez nécessaire.